Enquête sur la réadaptation professionnelle et le retour durable en emploi des victimes d’accidents et de maladies du travail

Quand la réadaptation professionnelle mène à l’appauvrissement et à la précarité d’emploi

Sommaire du rapport

Cette étude menée auprès de victimes de lésions professionnelles au Québec permet de constater les effets des mesures de réadaptation professionnelle mises en place par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail CNÉSST sur le parcours de 215 travailleuses et travailleurs accidentés ou malades vers un retour au travail ainsi que d’en connaître les conséquences à long terme.

Les participants à la recherche, qui ont tous eu droit à la réadaptation professionnelle, occupaient majoritairement un emploi manuel et ont été victime d’une lésion professionnelle survenue il y a en moyenne 12 ans alors qu’ils étaient âgés en moyenne de 40 ans. Les lésions subies peuvent être qualifiées d’importantes puisqu’elles ont entraîné une longue période d’arrêt de travail (un an ou plus en majorité) et une atteinte à l’intégrité physique ou psychique moyenne de 18%.

À la suite d’une évaluation faite par le service de réadaptation de la CNÉSST, moins d’un cinquième des participants (39) ont été déclarés capables d’occuper leur emploi pré-lésionnel.

  • Parmi eux, seulement 13 personnes ont été en mesure d’occuper un emploi avec une certaine stabilité dans le temps et ce sont les seules qui ont connu une augmentation de leur revenu depuis la survenance de leur lésion.
  • On en compte 17 autres qui, malgré le fait qu’elles aient été déclarées capables d’occuper leur emploi, ont plutôt vécu une instabilité importante d’emploi par la suite et près de la moitié de celles-ci n’ont jamais retravaillé depuis la survenance de la lésion. De l’ensemble des participants, ce sont les personnes qui se sont le plus appauvries, ayant actuellement un revenu inférieur de 49% à celui qu’elles avaient au moment de la lésion.

Les trois-quarts de l’ensemble des participants ont été jugés incapables d’occuper leur emploi, soit par la CNÉSST (72%) ou par une instance d’appel (28%). L’étude révèle que seulement 7% de ces travailleuses et travailleurs ont pu réintégrer le travail chez leur employeur, dans leur emploi régulier ou adapté ou encore dans un emploi convenable, et que plus de la moitié d’entre eux se sont fait congédier par la suite.

Les résultats démontrent que les mesures d’évaluation des possibilités professionnelles et de support en recherche d’emploi sont les mesures de réadaptation professionnelle les plus utilisées par la CNÉSST, mais elles ne semblent avoir aucun impact positif sur le retour au travail et sur le maintien de la capacité de gain.

On constate que majoritairement les stages et les formations offerts par la CNÉSST sont de très courtes durées et sont dispensés par des entreprises de formation privées. Ces mesures ont généralement mené les répondants qui en ont bénéficié vers le non emploi et la pauvreté.

  • Bien que peu de répondants en aient bénéficié (10% des personnes ayant été déclarées incapables d’occuper leur emploi pré-lésionnel), les formations qualifiantes menant à un diplôme reconnu semblent au contraire avoir eu un impact plutôt positif sur le maintien en emploi et un certain maintien du revenu.

Suite à la détermination de l’emploi convenable par la CNÉSST, seulement 15% des répondants ont été embauchés dans l’année qui a suivi.

L’étude révèle que moins du cinquième des personnes ayant été déclarées incapables d’occuper leur emploi pré-lésionnel ont réussi à maintenir une stabilité d’emploi; elles ont tout de même subi une diminution de leur revenu de l’ordre de 15%. Celles qui n’ont pas été en mesure d’occuper un emploi de façon stable (les quatre autres cinquièmes) ont actuellement un revenu inférieur de 41% à celui qu’elles avaient au moment de la lésion.

Les résultats globaux de l’enquête mettent en lumière que dix ans en moyenne après avoir bénéficié des services de réadaptation de la CNÉSST, 73% de tous les participants ne travaillaient pas et que 57% d’entre eux n’ont occupé aucun emploi depuis la détermination de leur capacité à occuper leur emploi ou un emploi convenable. L’âge moyen des répondants n’était pourtant que de 52 ans au moment de participer à l’enquête.

On constate que dans l’ensemble, la durée d’occupation d’un emploi depuis la détermination de la capacité de travail n’est que de 32% du temps écoulé. On remarque également un appauvrissement de la majorité des participants avec un écart négatif de 31% entre le salaire pré-lésionnel moyen et le revenu actuel moyen de l’ensemble des participants.

Finalement, la recherche a aussi permis de constater la survenance de nouvelles lésions professionnelles (accidents, maladies, rechutes, récidives ou aggravations) après la détermination de la capacité de travail chez près de la moitié des participants.

Tous ces constats révèlent un tableau plutôt sombre de la réalité vécue par les travailleuses et travailleurs accidentés ou malades à la suite du processus de réadaptation à la CNÉSST. Les résultats de notre enquête nous amènent à conclure que les effets à long terme des mesures de la réadaptation professionnelle mises en œuvre par la CNÉSST mènent généralement à la précarité en emploi et à l’appauvrissement.

Pour consulter le rapport de l'enquête
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